Épilogue
— Beauvais, Picardie
Quand hier soir nous posons le pied sur la terre de notre (enfin, ma) douce France, le programme s’annonce chargé. Nous devons rejoindre Paris pour y passer la nuit, puis le lendemain dès potron-minet prendre la route pour le Sud, vers Cahors. Car là-bas s’assemble une joyeuse bande de géologues, dont un en grande tenue d’apparat, avec à son bras une jolie Cadurcienne en belle robe blanche. Bref, un mariage, mieux, un mariage de géologue — pour ceux qui connaissent, ils sauront de quoi je parle. Cerise sur la pièce montée : la jeune épouse est fille de vigneron, et le Cahors est un de mes crus préférés. Conclusion : une mémorable noce à ne manquer sous aucun prétexte.
Mais dans ce plan méticuleusement ourdi, j’omets une donnée capitale : nous sommes un vendredi 13.
Il ne me faut pas longtemps pour comprendre que nos desseins vont lamentablement se crasher sur le parking de l’aéroport. En approchant de la voiture, je me fais la réflexion qu’elle penche bizarrement côté caniveau. Et pour cause : ses deux pneus droits sont crevés. Comme tous ceux de la rue, d’ailleurs. L’hypothèse de l’accident est donc à exclure : toutes les voitures garées dans cette petite rue, à quelques centaines de mètres de l’aéroport, ont leurs pneus droits crevés. Toutes, à l’exception de celles immatriculées dans l’Oise — dommage pour moi, à une unité près, je m’en serais bien sorti avec ma 205 Lucie originaire de l’Orne.
L’aéroport de Beauvais est situé en lisière du petit village de Tillé, et je suppose que les habitants ne perçoivent guère d’avantages à la présence de ce bruyant voisin. De plus, le stationnement dans les rues n’étant pas règlementé, les voitures ont tendance à déborder du parking de l’aéroport (payant) pour occuper les bordures de trottoir (gratuites), et ce néanmoins en toute légitimité. Je soupçonne donc les petits cons du coin d’avoir, un soir de beuverie, manifesté leur amertume en poinçonnant les innocents pneumatiques de ces indésirables voyageurs qui squattent leurs chères places de parking. Pour en avoir le cœur net, je vais frapper à la porte la plus proche : le visage rougeaud et goguenard du beauf achève de me convaincre que vivre à proximité d’un aéroport est dangereux pour le cerveau. Si ce n’est pas son garnement qui a fait le coup, alors c’est lui, pas de doute.
Vous crevez une roue, vous mettez la roue de secours. Vous crevez deux roues, vous appelez le dépanneur. Pas d’autre solution, c’est mathématique. C’est donc ce que nous avons fait, via l’assurance. Et pour une fois, j’ai trouvé que leurs services avaient une certaine utilité : ils se sont occupés du camion de remorquage, puis ils ont réservé un hôtel dans les environs. Car en ce vendredi soir du mois d’août, aucun espoir de pouvoir réparer ces roues ; ce sera — au mieux — le lendemain à midi… c’est-à-dire maintenant. Il nous faut donc faire, à grand regret, une croix sur notre étape parisienne, et surtout, hélas ! trois fois hélas !!! sur la noce de Cahors.
— 15h00, sur la route de Compiègne
La cérémonie commence là-bas, dans le Sud, et nous sommes de l’autre côté de la France… snifff.