— Old Head, près de Westport
Comme je le disais tout à l’heure, nous avons fait l’ascension du Croagh Patrick, la montagne sacrée d’Irlande. En l’an 441, Saint Patrick jeûna 40 jours et 40 nuits en haut de la montagne, puis — certainement ulcéré par ses sifflants voisins — chassa tous les serpents d’Irlande. Depuis, ce sommet est un lieu de pèlerinage, et le dernier dimanche de juillet il grouille littéralement, non pas de reptiles, mais de repentants pécheurs. (Fort heureusement, nous arrivons trois jours trop tard.)
La montée assez raide se fait sur des cailloutis instables et coupants, et la descente est encore plus périlleuse, à lutter sans cesse pour un équilibre précaire sur ce fil de rasoir. Mais il faut croire que ces conditions délicates n’impressionnent guère les pénitents qui se pressent sur le chemin sacré : nous avons vu des très jeunes, des plutôt vieux, des infirmes, et même des gars qui, par acte de piété un peu naïf, le faisait pieds nus. La foi déplace-t-elle les montagnes ? en tout cas, elle les gravit.
Cette longue marche a bien occupé tout l’après-midi ; quant au matin, en partant de Ballyvary nous avons fait un crochet par Pontoon, le pont qui passe entre les Loughs Conn & Cullin. Un petit tour par Castlebar nous dévoila le mémorial dressé en l’honneur de ces révolutionnaires français qui, en 1798, débarquèrent dans le Connaught et infligèrent avec leurs alliés irlandais quelques raclées retentissantes à l’occupant briton. Bon, ça a quand même mal fini pour eux, devenus hôtes des geôles anglaises, et surtout pour les Irlandais, pendus en place publique pour sédition.
Ce soir, après un bon irish stew (ragoût de mouton et patates, miam
) à Wesport Harbor, nous avons fait un petit tour dans Westport elle-même, une coquette petite ville bien animée le soir. Nous avons même pénétré dans le Matt Moloy’s, pub du groupe des Chieftains, où se produisait ce soir Lukas Bloom, que Carine a vu en concert à Delémont. Mais la salle était pleine, l’entrée un peu chère et le show commencé depuis 1h30…
Deux trucs à propos de l’Irlande (il faudra que j’illustre ça par quelques photos) :
1. les murets en pierre sont une véritable institution – et ce n’est pas la matière première qui manque. Les parcelles sont toutes séparées par ces murets, qui ont exigé des tonnes de cailloux et certainement des seaux de sueur. Les nouvelles maisons arborent quant à elles des murets crénelés, avec de petites tours de garde à chaque angle : une touche très médiévale !
2. les drapeaux. Ils sont partout : sur les maisons, dans les jardins, et même sur les voitures, fixés tout spécialement par de petits mâts coincés dans les vitres. En général, c’est le drapeau du comté qui flotte (et pas celui d’Irlande), ou ses variantes bicolores et à damier. En Ulster c’est encore plus sensible : chaque lampadaire de village porte le sien, unioniste ou républicain, et chaque quartier annonce ainsi sa couleur politico-religieuse. Même les bordures de trottoir sont peintes aux couleurs de la nation d’allégeance : bleu-blanc-rouge pour la Reine, vert-blanc-orange pour la République. (Mais ça, je l’ai déjà dit hier.)
Walàwalà, c’est tout pour ce soir. D’ailleurs, plus ça va, et plus les campings deviennent convenables : espérons que ce cercle vertueux continuera ! Je vais maintenant rejoindre notre abri de toile, et poser ma tête au pied de ce qui fut la Montagne aux Serpents.