Comme un parfum d’eucalyptus
— Warren National Park, Pemberton, 335 km au Sud de Perth
Les paysages de la pointe sud-ouest du Western Australia n’ont pas grand’chose à voir avec ceux que l’on rencontre au nord de Perth. Alors que là -haut la plaine rouge s’allonge sans fin sous un soleil impitoyable, parsemée d’une végétation âpre taillée pour survivre dans ces contrées arides, ici les vallons arrosés par un climat beaucoup plus océanique abritent des bois peuplés de géants : les karris. Ces Eucalyptus diversicolor lancent vers le ciel leur tronc parfaitement fuselé jusqu’à 60 m de haut. La forêt s’étire et devient verticale ; les frondaisons que l’on aperçoit loin là -haut dessinent la voûte d’une immense cathédrale végétale.
Notre journée s’est placée entièrement sous le signe du karri et l’ombrage velouté de son lointain feuillage. Ce matin, la Tree Top Walk nous a emmenés à 40 m au-dessus du sol, sur des passerelles métalliques qui se frayent un chemin aérien dans la canopée, à hauteur des plus hautes feuilles captant la lumière du soleil. La promenade est agréable, mais également très familiale : les cris que l’on y entendra ne seront pas ceux des oiseaux surpris au nid, mais ceux des enfants débordant d’enthousiasme ou d’inquiétude.
Nous nous sommes ensuite dirigés vers le Giant Red Tingle Tree, un imposant représentant de la famille des Eucalyptus jacksonii, dont le tronc s’évase à la base pour lui conférer une meilleure assise au sol. Suite aux feux de forêt, il est d’ailleurs souvent creux, et l’intérieur noirci de charbon évoque une gigantesque cheminée. Jusque dans les années 70, les Australiens prenaient pour la photo la pose avec la voiture garée à l’intérieur du tronc !
Notre dernier hommage aux géants de la forêt eut lieu à Pemberton, sur le Gloucester Tree. Ce karri de 60 m de haut était utilisé comme firetower : il fut équipé au début du XXème siècle d’une échelle rudimentaire et d’une plateforme à son sommet, un observatoire pour guetter les wildfires, les feux de forêt. Aujourd’hui c’est par avion et satellite qu’est effectuée la surveillance, mais on peut toujours monter au sommet de l’arbre, à condition d’avoir un peu de souffle et surtout de ne pas craindre le vertige : les barreaux de l’échelle ne sont que de simples fers à béton, et il n’y a rien d’autre sous les pieds pendant l’ascension. Mais une fois dans la cage en haut, on découvre une vue splendide sur le toit des arbres et la forêt à perte de vue. D’ailleurs, par un renversement assez ironique, la situation est plutôt cocasse : c’est l’humain qui est derrière le grillage, et c’est l’oiseau qui le regarde avec curiosité.
Pour conclure ce jour dans la Vallée des Géants, nous avons posé le campement ce soir dans le Warren National Park, sous la haute cime des seigneurs de la forêt. Les bois ont résonné des bruits de dés du Maïa (un jeu dont les Géos de Besançon se souviennent sans doute encore), et maintenant que Cress a gagné à trois reprises, il est temps de laisser les grands vénérables veiller sur notre sommeil.
~ quelques photos du jour (parmi les 9) ~ | ||||