La terre est rouge comme l’Orange
— Pofadder, Northern Cape
Au début, nous croyions que notre camping de ce soir, situé au cœur du tranquille village de Pofadder, n’était infesté que de moustiques. Mais le vent s’est levé, balayant les insectes et apportant une fraîcheur bienvenue après une journée de canicule. Par contre, nous nous sommes aperçus que le lieu était hanté par un hôte beaucoup plus inquiétant : une espèce d’arachnide couleur sable, très rapide et d’une taille effrayante : 15 cm de long. J’ai d’abord cru à un scorpion, puis à une monstrueuse araignée, mais je soupçonne qu’il s’agit d’un solifuge, c’est-à-dire un arachnide beaucoup plus exotique. L’ennui, c’est qu’il semble faire des cercles autour de la tente, et l’idée de dormir cerné par cette inquiétante créature – dont j’ignore tout du régime alimentaire – n’est pas des plus rassurantes…
Nous avons quitté ce matin le Kalahari et refait en sens inverse l’immense route déserte qui sépare le parc de la ville d’Upington. Les poteaux électriques jalonnant le trajet ont une particularité sympathique : ils servent de support aux savantes constructions des tisserands sociaux [voir le commentaire ci-dessous], des oiseaux très ingénieux qui bâtissent d’énormes colo-nids (des logements sociaux, donc) à partir de simples brindilles. Ces nids en forme de cône, pointe en haut et ouverture en bas, les mettent à l’abri des serpents et - luxe suprême dans le Kalahari, où les températures peuvent osciller de -15°C à 50°C - ils sont climatisés : la fourchette thermique varie entre 15°C et 30°C. Hélas, ces oiseaux débrouillards sont parfois trop ambitieux : le nid devient trop lourd, les amarres se rompent, il glisse et s’écrase au pied du poteau. Et là, les habitants se disent : “Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ?”
Notre antépénultième jour de voyage nous a conduit le long du fleuve Orange, qui s’étire tel un ruban sur un tapis de vignes. Nous avons suivi son cours jusqu’à sa chute : à Augrabies Falls, le “lieu du grand bruit", il entaille le plateau de gneiss et se transforme en terribles trombes dévalant 56 m de haut. Baignade déconseillée. Le canyon qui s’ensuit est une vision spectaculaire : l’écume, la roche, la brousse, les collines et le ciel en arrière-plan composent une palette magique. Après avoir vu, sous ce soleil de plomb, tant d’eau sans pouvoir la boire, nous nous sommes copieusement désaltérés, puis nous sommes repartis vers l’Ouest. Sur la route, nous tombons devant un étrange camion, chargé jusqu’à la gueule de voitures immatriculées… en Allemagne ! Des Mercedes, BMW, Audi, Volkswagen à tous les étages… des modèles connus et d’autres non (en tout cas pas de moi), et parmi ces derniers, des prototypes, avec encore les rivets sur le capot. Elles sont ici pour effectuer des tests de vitesse, jusqu’à 250 km/h, dans les grands espaces africains. Vu le transport nécessaire, cela me semble bien coûteux pour des tests, mais Carine se demande s’ils n’en profitent pas pour tourner quelques pubs dans le coin, ce qui avec les paysages superbes serait assez judicieux… à vérifier à la télé. Car en effet, la très photogénique route N14 traverse une immense plaine désertique seulement bordée par l’horizon, au sol écarlate, ponctuée de-ci de-là par quelques restes de relief. Et c’est au beau milieu de ce nulle part que nous nous sommes arrêtés pour la nuit. Plus que deux jours avant de retrouver le Cap et de rentrer à la maison… si le terrible solifuge ne nous a pas dévorés d’ici-là !
~ les photos du jour ~ | |||
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