« Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde »
— depuis un pays neutre
Nous connaissions le 21 avril 2002, nous avons maintenant le 22 avril 2012. Tous les dix ans, le spectre hideux ressurgit des égouts où on aurait dû le reléguer depuis longtemps. Mais il est encore fertile, le ventre d’où est sortie la bête immonde. Souhaitons qu’un Bertolt Brecht français n’aura jamais à écrire “La Résistible Ascension de Marine Le Pen”.
La blondasse a fait mieux que son père, sans nul doute. Non seulement elle récolte un million de voix de plus, mais elle se place sur la troisième marche du podium, celle dont rêvait secrètement son patriarche. Le vieux pouvait bien fanfaronner de sa qualification pour le deuxième tour, au fond de lui il savait que la partie était déjà jouée. Chirac a alors eu beau jeu de lancer un appel solennel au front républicain pour contrer l’extrémisme, évoquant la patrie en danger. Mais le seul qui était en danger, c’était bien lui, avec toutes les casseroles qu’il avait au cul. Incroyable retournement de situation : un président que tout le monde, après la dissolution de 1997, disait fini, mort et enterré, se retrouve réélu avec plus de 80% des suffrages. Et tout ça grâce à son pire ennemi, le fasciste vitupérant, qui n’aura d’autre choix que de contempler sa cuisante défaite.
Dix ans plus tard, la situation a bien changé. Cette fois-ci c’est la grosse vache qui est maîtresse du jeu, forte de sa troisième position d’outsider. Là, nul risque de se prendre une volée à 18% au deuxième tour. Au contraire, pour capter ses électeurs, Sarkozy lui fait du pied comme jamais : les petites phrases commencent à fleurir à droite pour gentiment s’acoquiner les thèses nauséabondes du FN. Et elle, bien sûr, se marre comme une baleine, car comme tous ceux de son espèce, elle adore qu’on lui lèche les pieds.
Un fait ne lasse pas de me surprendre : depuis le soir du premier tour, je n’ai entendu aucun commentateur faire le lien entre ce score effrayant et l’affaire Mohammed Merah. Il me semble pourtant que le sentiment d’insécurité et la haine de l’autre qu’ont engendré ce fou furieux doivent parfaitement se cristalliser dans le vote FN.
En tout cas, il y a dix ans jour pour jour, avec mon ami Denis, je défilai dans les rues de Paris entre République et Nation, au cœur d’un gigantesque cortège de plus d’un million de personnes. Je me souviens encore du défilé parallèle organisé par le Groland et sa bande d’énergumènes, les Jules-Edouard Moustic, Michael Kael, Francis Kuntz et l’inénarrable Président Salengro. Dans une joyeuse anarchie, ils allaient à contre-sens, scandant des slogans comme “La France aux Grolandais !” ou “Le Pen, gros patapouf !". Pour ma part, je m’étais aussi confectionné ma petite banderole, nettement plus classique, que voilà. J’espérais ne pas avoir à la ressortir un jour.

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