Déversement de fiel sur les transports urbains
— Neuquén, sur le départ pour Puerto Madryn
J’évoquais hier les acrobaties qu’il fallait accomplir pour trouver son bus longue distance. Mais ces acrobaties ne sont rien en comparaison du labyrinthe des bus locaux. Tout d’abord, il faut savoir où les prendre, ce qui est parfois loin d’être évident même dans un lieu névralgique comme une gare routière. (À cet égard, celle de Buenos Aires mérite la palme d’or : le métro n’y arrive pas, il s’arrête 500 m avant, 500 très long mètres avec des gros sacs sur les épaules. Quant aux bus, leur nombre est tellement pléthorique et les informations si anémique qu’on préfère ne pas s’embarquer pour un voyage vers l’inconnu.) Ensuite, il faut savoir comment payer son trajet, car parfois la monnaie est bannie : où donc alors acheter l’indispensable carte magnétique ? Réponse : au petit kiosque caché là-bas, où il y a une queue de 10 m de gens achetant bonbons et sodas. Et c’est forcément pendant ce temps de piétinement agacé que le bus tant attendu fait son passage horaire. Enfin - le dernier point n’est pas le moindre - c’est de savoir quel bus prendre. Là, le problème est insoluble sans l’aide d’un indigène : il ne faut pas rêver à des noms d’arrêts, des destinations clairement indiquées ou (encore plus fou) un plan du réseau. Seuls les locaux peuvent savoir que le 11 va par là-bas, s’arrête ici, continue par là, et il faut entièrement s’en remettre à leur gentillesse pour savoir où descendre. Heureusement, les Argentins sont très gentils et offrent spontanément leur aide en apercevant deux voyageurs égarés aux prises avec les énigmatiques numéros de lignes.
C’est donc à ce cocktail de casse-têtes que nous avons été confrontés pour, de la gare routière de Neuquén, nous rendre dans le centre et retour. La gare est flambant neuve, et donc forcément à l’écart de la ville, inaccessible ou inexpugnable - selon que l’on veuille la rejoindre ou la quitter - pour l’humble piéton. Mais nous avons néanmoins réussi à nous promener dans les larges rues de la plus grande ville de Patagonie, capitale de province fraîchement devenue importante grâce à ses ressources en pétrole (et qu’Anna et Jaume connaissent bien). De bâtiments historiques, point : la ville n’a été fondée qu’au début du XXème siècle, comme d’ailleurs la plupart des villes de Patagonie. Petit intermède historique : il faut préciser que l’armée argentine a lancé en 1879 l’opération baptisée “Conquista del Desierto” pour ouvrir les terres du Sud à la colonisation, territoires millénaires des peuples autochtones mapuche et tehuelche. Ce “désert” n’en était donc pas un, et la “conquête” est un doux euphémisme pour “extermination des Indiens". Le plus étonnant est que le responsable de ce quasi-génocide, le général Julio Argentino Roca, a sa statue sur bon nombre de places - à Bariloche par exemple. L’Histoire est écrite par les vainqueurs…
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