— Simon’s Town, Cape Peninsula
Ce matin, nous avons pris possession de notre neuvième et dernière voiture en six mois : une Fiat Palio Go!, plutôt jolie mais petite et pas très pratique. La préférence de Carine va nettement à la Hyundai Getz que nous avons eu à Perth, truffée il est vrai de gadgets utiles. Ah, les femmes ! elles n’y entendent rien en automobiles ! :-p
Notre première destination d’heureux automobilistes fut le pied de la Table Mountain, difficilement accessible aux non-motorisés. Carine se sentait un peu barbouillée, nous avons donc opté pour la solution de facilité : en lieu et place d’une bonne grimpette de quelques heures, nous avons pris le cableway, le téléphérique (de conception suisse bien sûr) qui nous a menés au sommet en quatre minutes et demi. La montée est déjà impressionnante en soi, mais du haut de ce spectaculaire rocher horizontal perché à 1.073 m au-dessus de la ville, le panorama est époustouflant : au Nord le City Bowl (la “cuvette") s’étend sous nos pieds, assiégée par la Tête du Lion et le Pic du Diable, et au Sud les Douze Apôtres prolongent la montagne avant de plonger brusquement dans l’océan… que voilà des noms évocateurs ! Nous avons pris un café en contemplant le paysage, puis nous sommes allés nous promener sur la Table toute fleurie de fynbos, une sorte de garrigue méditerranéenne unique au monde. Selon certains, la planète peut se diviser en sept royaumes floraux aux étendues multi-continentales… sauf le minuscule petit dernier, le Royaume Floral du Cap, cantonné à l’extrémité sud-ouest de l’Afrique.
Quittant la jungle urbaine du Cap, nous avons fait route sur la péninsule qui s’insinue dans l’océan et porte le célèbre Cap de Bonne-Espérance. Ce modeste promontoire de granite fut doublé en 1488 par le Portugais Bartolomeu Dias (mais avant lui par les Phéniciens, les Arabes, les Chinois), qui y essuya un tel grain qu’il l’appela “Cap des Tempêtes". Son roi, lui, ne vit pas les aléas maritimes mais plutôt la porte vers le riche Orient & ses trésors, la route terrestre étant alors, depuis la chute de Constantinople en 1453, sous le monopole de l’Empire Ottoman. Or doncques, Jean II du Portugal rebaptisa le cap des Tempêtes en celui de Bonne-Espérance, certainement à l’idée des immenses profits qu’il pourra en obtenir. Hélas pour lui, ce fut surtout les Hollandais avec la VOC qui en tirèrent avantage. Topographiquement parlant, le cap est bien le point le plus au Sud-Ouest de l’Afrique, mais il est beaucoup moins impressionant que son voisin immédiat, à 2 km à vol d’oiseau : le Cape Point. Ce doigt de grès, pointé vers le Pôle Sud, dresse ses falaises dans une mer furieuse, sans doute irritée par une telle présomption. Elle s’est d’ailleurs bien vengée en emportant sous ses flots nombre de navires, dont un nommé Lusitania (homonyme d’un autre plus célèbre ?). Conséquence : il n’y a pas moins de deux phares sur le roc, distants de quelques centaines de mètres seulement.
Scène très surprenante au Visitor’s Centre de la péninsule : les employés, plutôt nonchalants, se sont soudain mis à courir en tout sens au cri de “Baboons !”. Tables extérieures débarrassées en un éclair, portes & fenêtres closes juste avant l’arrivée de deux babouins venus inspecter les lieux. Ces singes se sont beaucoup trop bien adaptés aux humains : maintenant qu’on ne leur jette plus de nourriture, ils viennent la chercher eux-mêmes avec une audace déconcertante. Ils n’hésitent pas à rentrer dans les maisons - ou les voitures - si un repas s’y profile. Et malheur à qui tente de récupérer son casse-croûte : ils n’ont plus du tout peur de l’homme, et leurs canines sont tout-à-fait intimidantes. On m’a même déconseillé de tenir en leur présence une bouteille de soda à la main : ces sauvageons élevés à la McDo seraient venus me racketter !
Ce soir, arrivés à Simon’s Town, important port de pêche et base navale majeure, Carine qui n’avait quasiment rien mangé de la journée me dit : “J’ai bien envie de moules-frites !” L’appétit revenait d’une manière et dans un lieu fort appropriés. Dont acte !