Antépénultième journée
— San Gavino di Carbini, Alta Rocca, altitude 666 m, température 11°C, brrrrr !
Nous n’avons pas réussi ce matin à nous lever plus tôt que les autres matins : ni les bruits de la route, ni le soleil sur la toile (certes voilà par les nuages), ni le vent furieux ne nous ont décidé à quitter la tente avant 9h. Décidément, tous les soirs je dis à Carine que demain, c’est sûr, c’est décidé, on décolle à 8h, ptidèj pris & tente pliée. Et tous les matins, c’est la pénible ouverture oculaire. Bon, tant pis, après tout c’est les vacances, non ?
Donc à midi à peine, nous lancions notre seconde offensive sur Bonifacio. Je ne vous cacherai pas que l’heure était mal choisie : il faut savoir qu’il n’y a qu’une seule route qui mène à la ville, et forcément elle est vite engorgée. Sans compter que les parkings — payants — sont vite bondés ; nous avons donc opté pour un stationnement limite sauvage en périphérie. Il faut marcher ? tant pis ! ce n’est pas ça qui nous décourage. Nous avons donc atteint la marine toujours aussi pittoresque et animée, avant d’attaquer à nouveau la montée des rampes jusqu’à la haute ville. Ouf. Le quartier historique, ceint d’impressionnantes fortifications, est perché sur un éperon de grès blanc (et non de calcaire, comme l’indiquent les guides) dominant la baie. L’avenir à plus ou moins long terme de la cité n’est pas vraiment assuré : la mer attaque sans relâche la falaise, sapant impitoyablement la base. Bon, de là à dire que demain Bonifacio disparaîtra dans les flots, c’est un pas un peu trop vite franchi.
Bravant sans émoi ce danger lointain mais irrémédiable, nous avons parcouru les petites ruelles tortueuses et étroites comme des défilés entre les immeubles hauts de cinq étages (la place étant comptée, il faut construire en hauteur). Ces gratte-ciels médiévaux sont reliés entre eux par un réseau d’arcs-boutants, en fait des gouttières récupérant les eaux pluviales pour les canaliser dans des réservoirs souterrains. De quoi boire en cas de siège. Justement, des sièges de Bonifacio, quelques uns s’y sont risqués, et le plus célèbre est le Roi d’Aragon. La légende raconte qu’en 1420 Alphonse V, impuissant devant les remparts, n’hésita pas à envoyer ses troupes tailler dans la muraille naturelle — en une nuit ! — un escalier de 187 marches (qui, suite à des mises aux normes, en dénombre maintenant 2 de plus : mon compte était donc juste). Malheureusement pour lui, une vigilante Bonifacienne s’aperçut du machiavélique subterfuge et alerta la garde : l’escalier monumental des Aragoniens, qui devait les mener au pinacle de la victoire, se transforma en descente aux enfers dans les Bouches — les Mâchoires, pour l’occasion — de Bonifacio. (Plus prosaïquement, l’ouvrage mène au pied de la falaise, d’où part un sentier creusé dans son flanc. Au bout de ce sentier, une source d’eau douce, véritable but de la construction de l’escalier, qui donc ne fut réalisé ni en une nuit, ni par des soldats envahisseurs, mais par des moines. J’aime la manière dont un banal aménagement urbain devient un lieu de hauts faits !)
~ quelques photos du jour (parmi les 12) ~ | ||||
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