De l’art délicat de prendre une douche
— Patrimonio, Marine de Farinole, Cap Corse
Tout d’abord, renseignez-vous sur les blocs sanitaires existants dans le camping, et si vous avez la chance d’en avoir plusieurs à disposition, repérez celui où la densité de campeurs avoisinants est la moindre. Celui-là aura toutes les chances d’être le moins fréquenté, donc le plus propre. Mais avoir fait cela ne vous dispense en rien d’un examen minutieux de chaque cabine (non encore occupée bien sûr), afin de choisir celle qui réunit le plus de qualités, comme par exemple un raisonnable filet d’eau coulant de la pomme, quelques clous rouillés pour pendre ses affaires, ou une remarquable absence de traces de passage du précédent occupant. Ensuite, il convient de préparer toutes les affaires dont vous avez besoin pour la douche : serviette, savon & shampooing bien sûr, mais aussi vêtements de rechange et surtout, surtout, sandales faciles à enfiler dès la sortie. Car, sachez-le, on ne prévoit jamais d’endroit pour se rechausser convenablement, et l’hygiène élémentaire conseille de ne pas mettre le pied dans cette flaque nauséabonde où croupissent les miasmes putrides de millions d’autres campeurs. Étape suivante : analyser l’espace de la cabine pour y déceler des coins où mettre ses affaires à l’abri de la pluie qui s’annonce : un crochet ici, un haut de porte là, ou encore le mur de séparation des voisins, trop souvent négligé. Car, sachez-le, on ne prévoit jamais d’endroit où poser ses affaires. Enfin, après avoir pris une bonne douche chaude (si vous êtes chanceux), il reste néanmoins à passer une ultime phase critique : enfiler le pantalon jambe par jambe sans qu’il touche le sol détrempé et grouillant de staphylocoques de toutes nationalités, tout ceci bien entendu sans perdre l’équilibre, basculer en arrière, appuyer sur le bouton et reprendre une douche, mais tout habillé cette fois.
Toutes ces aventures ablutionnaires ne me laissent guère le temps de vous conter les mille et une beautés du Cap Corse : ses fières tours génoises guettant depuis cinq siècles quelque invasion barbaresque, ses montagnes s’abîmant dans les flots liguriens, ses couvents en ruine surplombés de sveltes éoliennes, ses lacets diaboliques virevoltant entre maquis écarlate et mer azur, ses petits ports de Barcaggio et Centuri perdus au bout du bout de l’île, et enfin ses pizzas arrosées d’un bon petit vin du cru, Patrimonio local de l’humanité !
~ les photos du jour ~ | ||||
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |