La croisière s’amuse
— M/N Mare Australis, 53°31,456′S, 68°15,340′W
Dernière nuit sur le Mare Australis. La Croix du Sud brille au-dessus de la poupe alors que la Lune jette son pâle reflet dans les eaux noires de Magellan. Pendant 72 heures nous avons cotoyé nombre de gens aux langages différents, des croisiéristes bien sûr, mais aussi des marins, des membres d’equipage, des guides de tourisme. Et demain midi toute cette petite société se désintègrera sur le ponton de Punta Arenas. Une croisière est déjà une expérience en soi, et à plus forte raison quand elle sillonne le labyrinthe de canaux, d’îles, de fjords et de rochers de l’archipel fuéguien. Bien sûr, on n’échappe pas aux poncifs du genre : le programme est respecté à la minute près, les G.O. ont un discours bien rôdé (avec les petites blagues au moment opportun), les repas sont servis à heure fixe et tout est pensé pour le confort du passager. Bref, tout cela ne sonne pas vraiment routard, moi qui rêvait de prendre la mer sur un navire de fret et dormir en hamac dans un entrepont crasseux infesté de rats !
Sans surprise, la majorité des passagers vient d’Espagne, avec quelques Chiliens et Bresiliens pour composer le bloc hispano-lusitanophone. Des Étasuniens forment une petite minorité anglophone, quelques Allemands et Hollandais donnent une légère touche gutturale, néanmoins le groupe francophone est le deuxième en importance, avec une joviale communauté québécoise. Au cours du voyage nous avons fait de fort sympathiques connaissances : le hasard nous a fait nous asseoir lors du premier dîner à côté de deux couples, Maude & Michel venus de Neauphle-le-Château, Yvelines, et Yvette & Bill arrivant de San Diego, Californie. Michel est un officier à la retraite de la Marine Nationale, capitaine au long cours et vieux loup de mer qui a des anecdotes dans chaque port de la planète, mais Maude n’a rien à lui envier question voyages : de la Polynésie à l’Afrique Noire, elle a goûté à la poussière des cinq continents. Yvette quant à elle travaille au célèbre Zoo de San Diego, et leur liste de voyages avec Bill est impressionnante. Il y avait également un autre couple de notre âge à bord, Caroline & David de la Sarthe, qui ont embarqué un peu dans les mêmes conditions que nous.
La journée s’est passée entièrement en mer : quelques présentations pour meubler entre les repas, mais aussi une sortie en Zodiac dans le Seno Chico (le “petit fjord", plutôt grand en fait) pour aller voir de près le glacier Gunther Plüschow. Pour celui qui a contemplé le Perito Moreno, ce n’est plus vraiment un spectacle extraordinaire, mais se retrouver à frayer son chemin dans un champ flottant de glace est une expérience assez curieuse. Et les cormorans royaux, dérangés par notre arrivée, qui plongent, s’envolent ou marchent sur l’eau mettent de l’animation dans ce tableau glacé.
Il est 1h30 du matin, le bateau semble désert maintenant et l’on n’entend que le sourd ronronnement des moteurs. Le slumières oranges de Punta Arenas apparaissent déjà à babord, mais avant d’y accoster demain, nous irons rendre visite aux manchots de Magellan sur l’Isla Magdalena. Tenue de soirée exigée !
PS. Aujourd’hui nous avons franchi un cap, nous seuls parmi tous les passagers : celui de la moitié de notre voyage !
~ les photos du jour ~ | ||||
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