Vue imprenable sur le Détroit de Magellan
— quittant Punta Arenas, Provincia de Magallanes, Chili, pour Ushuaia, Terre de Feu, Argentine
À ma droite, le bleu acier du Détroit de Magellan, et de l’autre côté, la Terre de Feu. La route que nous suivons ce matin longe le détroit jusqu’à son point le plus resserré, Punta Delagada, puis le franchit en ferry pour arriver sur la Terre de Feu, coupée en deux par le méridien 67ºW entre Chili et Argentine. Jusqu’à il y a peu, avant que je ne me penche sur une carte détaillée de cette région, je croyais naïvement que le détroit était le large passage séparant l’Amérique du Sud de l’Antarctique, du Cap Horn à la péninsule saillant du grand continent blanc. En fait (et à ma grande honte de cartographe) il n’en est rien : le Détroit de Magellan est un étroit couloir maritime qui s’insinue entre l’extrémité du continent, la Terre de Feu et tout l’archipel de la Cordillère de Darwin. On en apprend tous les jours.
Le problème d’un tour du monde, c’est que le voyage est tellement vaste qu’on a guère le temps ou le souci de se préoccuper des “petits” détails locaux - ce qui n’est pas le cas quand on prépare un voyage sur une durée et une zone plus limitée, où là on épluche toute la littérature et on prend toutes les réservations pour planifier le trajet entier à la minute près - du moins, c’est ce que certains doivent faire. Ce n’est évidemment pas notre cas : nous décidons de nos activités quasiment au jour le jour, avec pour paramètres principaux le charme ou l’intérêt de l’endroit où nous sommes, ceux supposés de notre prochaine destination, les possibilités de transport, la météo… Cette improvisation permanente nous laisse une grande liberté et une grande souplesse dans nos pérégrinations, avec pour seul impératif l’heure de décollage de notre prochain avion. Mais la méthode a un inconvénient : nous caressions le fol espoir de conclure notre descente australe par une traversée en bateau de Punta Arenas à Ushuaia, à travers les splendides fjords, îles et glaciers de la pointe du cône Sud. Mais voilà, les bateaux de croisière coûtent extrêmement chers (1000 $US, et nous ne sommes qu’en basse saison), et le bateau plus économique a quitté le port pour son voyage hebdomadaire la veille de notre arrivée… Il restait bien la possibilité de prendre l’avion pour rattraper ce navire à une escale, mais cette solution s’avérait elle aussi assez onéreuse et compliquée. Donc à mon grand regret, nous avons fait une croix sur cette croisière du bout du monde, mais en voyage on ne peut ni tout voir ni tout faire. Il reste néanmoins un ultime - mais infime - espoir : celui de trouver un bateau à Ushuaia qui se rend à Punta Arenas. Pas sûr qu’il existe, car le fait que ce soit entre deux pays, même aussi proches que le Chili et l’Argentine, réduit beaucoup le trafic et augmente extraordinairement le coût. Exemple : la simple traversée du canal de Beagle d’Ushuaia, Terre de Feu, Argentine à Puerto Williams, sur l’Isla Navarino chilienne juste en face, coûte 100 $US !
Ça y est, nous venons de franchir en ferry le Détroit de Magellan, et nous avons même eu la chance d’apercevoir quelques uns de ses habitants : des dauphins australs noir et blanc ! Mais maintenant c’est la télé (couleur, elle) que nous devons subir : elle diffuse Fast & Furious : Tokyo Drift, une pure débilité américaine vantant les vertus du tuning (je vous renvoie chez The Jacky Touch), des grosses bagnoles rutilantes, de la musique primaire à vous crever les tympans, des filles dévêtues qui regardent lascivement les pistons de mâles moteurs, de l’amitié virile et des duels-à-celui-qui-roule-le-plus-vite. Bref, un parfait concentré de crétinerie, et en plus c’est la deuxième fois qu’on nous l’inflige dans un bus !
~ la photo du jour ~ |
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