De la bucolique Hobbiton au ténébreux Mordor
— Turangi, Tongariro National Park, North Island
Quand nous avons quitté hier la Coromandel Peninsula, nous avons mis cap au Sud direction Matamata, une bourgade tranquille de la Zélande profonde, noyée dans d’émeraudes pâturages où broutent des centaines de chevaux de race ; les haras de Matamata sont très réputés. Mais la ville est aussi célèbre - aux yeux des amateurs d’une certaine trilogie sortie il y a quelques années sur tous les grands écrans du monde - pour abriter Hobbiton, le village des Petites-Gens et de Bilbon Sacquet dans la paisible Comté. En fait, Hobbiton n’est pas à Matamata même, mais caché à quelques lieues de là, au œur d’une bucolique campagne de douces collines vertes tachetées de milliers de moutons. On croirait un authentique morceau de cette Angleterre si chère à J.R.R. Tolkien déplacée aux antipodes. Trouver le lieu exact fut digne d’une vraie quête au trésor, et pour cause : il n’y a absolument aucune indication. Le fermier propriétaire du terrain et les agences de tourisme ont bien compris l’usage qu’il fallait faire de cette inespérée manne tombée du ciel : la monnayer contre écus sonnants et trébuchants. Les tours organisés depuis la ville ont déjà emmené 65.000 hobbitophiles visiter le site, pour un prix qui atteint parfois les 200 NZ$ (100 €) ! Somme prohibitive à mes yeux pour ne voir que les restes de Hobbiton : le décor a été démonté après le tournage, et ne subsistent que quelques trous dans la colline avec le montant dénudé de la porte circulaire caractéristique des foyers hobbits. Pour habiller un peu ce palimpseste de décor, les guides fournissent certainement une foule de détails et d’anecdotes sur les circonstances du tournage, mais comme ma compagne de voyage n’est pas vraiment une mordue de ces hauts faits, j’ai tempéré mon enthousiasme et mis de l’eau dans ma cervoise (la Harrington’s Stout, brassée à Nelson sur l’Île du Sud et servie au Poney Fringant à Bree, Terre du Milieu) : nous nous sommes contentés d’admirer le splendide paysage ondoyant, d’y casser la croûte, puis ensuite les dents sur la menaçante pancarte qui promet le pire à celui qui ose rentrer sans payer sa dîme, et enfin de discuter avec le sympathique autochtone travaillant dans la ferme en face de la route d’accès. Ce bâtiment s’est d’ailleurs fort opportunément reconverti en café… nommé The Shire’s Rest, “Au Repos de la Comté” ! Mais il n’y a pas que le Seigneur des Anneaux dans la vie des Néo-Zélandais : notre conversation a vite dérivé sur la prochaine Coupe du Monde de rugby, qui se tiendra en France l’année prochaine !
Aujourd’hui c’est une autre facette de la Terre du Milieu que nous avons découverte : les désolations tourmentées du sinistre Mordor, le royaume du maléfique Sauron. Pour arpenter ces sombres contrées nous avons pris le sentier qui traverse le Tongariro National Park et passe sur le flanc du volcan Ngauruhoe (2.287 m), un cône parfait que les adeptes identifieront comme Orodruin, Mount Doom, la Montagne du Destin, là où fut forgé l’Anneau Unique. Et de fait, les étendues herbeuses sillonnées de ruisseaux cèdent vite la place à de plus âpres paysages : des coulées de lave pétrifiée lancent leurs noires langues râpeuses au travers d’une désolation de tranchant basalte et de traîtres éboulis. Ce n’est pas sans mal que nous sommes parvenus au sommet du Red Crater : nous avons dû s’enfoncer dans un nuage, traverser un cratère enneigé, lutter contre un vent glacial et vindicatif propre à décorner tous les casques des guerriers Orcs des environs. Mais la récompenses était au bout : du haut de ce cratère s’offraient à nos yeux trois petits lacs aux couleurs surnaturelles, et nos pauvres doigts gelés ont trouvé de la chaleur sur les pierres tièdes et dans les fumerollesqui s’échappent de ce volcan actif. Dans ces bourrasques à vous glacer les os, à 1.900 m d’altitude, s’assoir sur un sol chaud constitue une agréable surprise !
Pour nous remettre de nos six heures de marche, nous nous sommes enfin offerts un bon petit dîner au Grand Château (en français dans le texte) de Whakapapa, l’un des hôtels les plus emblématiques de NZ. C’est d’ailleurs ici que résidait l’équipe du film quand elle tournait dans la région. Peut-être Carine s’est-elle alors assise à la même place que Viggo Mortensen, le valeureux Aragorn, son héros secret (elle me l’a avoué) ?
~ quelques photos du jour (parmi les 10) ~ | ||||
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