Big 5 !
— Pretoriuskop, Kruger National Park
Ce titre pourrait être l’interjection que l’on lance au bingo local. L’idée est là : en fait, les Big Five désignent les animaux qui étaient les plus traqués au temps des safaris-chasse, à savoir le buffle, le rhinocéros, l’éléphant, le léopard et le lion. Pour les trois premiers, pas de problème : nous les avions déjà aperçus hier ou avant-hier, notamment des éléphants. Leur population se porte d’ailleurs très bien : on en dénombre maintenant plus de 11.000 dans le parc, alors qu’au début du siècle ils étaient quasiment en voie d’extinction. Seul un petit groupe avait survécu, caché dans une inaccessible gorge de l’Olifants River : c’est la lignée ancestrale de tous les éléphants du Kruger.
Par contre, il nous manquait encore les gros chats. Faisant preuve d’une certaine opiniâtreté, et ne lésinant pas sur les moyens, nous nous sommes levés (dans la douleur) ce matin à 3h30, pour embarquer avec un ranger dans un gros tout-terrain et faire un safari à l’aurore. Le soleil se lève tout juste, la savane se réveille, c’est le moment idéal pour observer l’animation naissante, car pendant les heures chaudes les animaux restent à l’ombre et se font discrets. Steve nous a menés sur la piste de girafes, de babouins, de rhinos, d’hippos et de crocodiles, mais de félins, point. Bredouilles, nous avons repris la route pour notre ultime refuge, en faisant un arrêt au tout premier camp historique du parc, Skukuza. On y trouve un mémorial aux fondateurs, un musée, un clocher, une bibliothèque, un cimetière pour chiens (?) et un impressionnant pont ferroviaire qui enjambe la Sabie : l’ouvrage ne paraît pas vraiment économiquement justifiable, mais que n’aurait-on pas fait il y a un siècle pour emmener les riches Blancs sur leur terrain de chasse ?
Ayant passé tout un après-midi les yeux braqués sur la savane, guettant en vain les signes d’activité félidée, nous sommes arrivés à Pretoriuskop d’où nous sommes aussitôt repartis avec un ranger, pour un safari au crépuscule cette fois, l’autre moment éminemment propice de la journée. L’exploration a commencé par le menu fretin désormais habituel : antilopes, rhino, éléphant… (mais non, je ne suis pas blasé !) Puis à un moment, la radio a crépité et tout s’est emballé : nous nous sommes immédiatement rendus sur les berges d’un lac, pour voir disparaître au loin une silhouette jaune tachetée de noir : un léopard ! C’eût pu être trop tard sans la connaissance experte d’Eliott : il nous mena devant une piste d’où ressurgit quelques minutes plus tard le félin, complètement indifférent à notre présence. Admirer la souple, puissante et redoutable démarche d’un léopard est un spectacle d’une rare beauté. Hélas, pas le temps d’en abuser : il a continué son chemin dans la brousse. Mais aussitôt, une autre nouvelle a fait vibrer les ondes : des lions commencent leur chasse vespérale, à quelques centaines de mètres de là ! Plus exactement, trois lions attendent que le travail soit fait par les trois lionnes qui les précèdent. Voir marcher de front ces trois chasseresses d’une même foulée lente, lourde de menace, a de quoi remplir d’effroi la proie la mieux trempée. Les impalas n’ont pas demandé leur reste, et même moi, qui ne figurait pas sur leur menu du soir, je n’étais pas rassuré. Les lions, quant à eux, même s’ils n’ont pas l’air en peluche, sont moins sérieux à la tâche, et vont même à l’occasion s’allonger tranquillement - une pose pour les photographes ?
Pour ma part, je ne sais pas si c’est parce que j’ai vu le roi des animaux, mais ce soir en mangeant j’ai perdu ma couronne !
Sons & lumières de la savane vespérale
Les lionnes & le léopard ne font, eux, aucun bruit.
~ quelques photos du jour (parmi les 26) ~ | ||||